« Notre Cité se trouve dans les Cieux » (Ph 3, 20)
Nous voilà prêts à fêter la Toussaint ! Au-delà de toutes les histoires d’Halloween (qui perdent de la vitesse, réjouissons-nous !), tout ceci a le mérite de nous poser une question : qu’avons-nous à espérer ? Que pouvons-nous dire ou faire dans cette perspective de l’espérance ? S’il y a bien une chose commune à toutes les religions, hormis la question de l’existence de Dieu évidemment, c’est que nous sommes appelés à le rencontrer dans un ciel qui n’est pas ici-bas !
Et nous ? Qu’est-ce que nous dit le Christ à ce sujet ?
Tous les dimanches, nous proclamons avec le Credo : « j’attends la Résurrection des morts et la vie du monde à venir ». L’attendons-nous vraiment ?
Derrière cette question, en fait, s’en cachent beaucoup d’autres : que se passe-t-il à notre mort ? Qu’est-ce que l’on entend par « fins dernières », par « jugement », « jugement dernier », le ciel, l’enfer, le purgatoire ? Il serait trop long de vouloir répondre ici à toutes ces questions. Mais posons une chose : la Résurrection du Christ, est-elle réalité ou mythe ? lorsque Jésus dit à au bon larron « aujourd’hui, tu seras avec moi au paradis » (Lc 23, 43) : réalité ou mythe ? Il parait que près de 40% des chrétiens pensent que la Résurrection est mythe, et non un fait réel. Ce serait un beau symbole, sans plus … « un mystère » comme on dit parfois pour se dispenser de réfléchir !
Mais saint Pierre nous le dit : « nous devons rendre compte de l’espérance qui est en nous » (1 P 3, 15). Or, cette espérance, la voilà : la croix de Jésus n’a pas été vaine. Le point de départ de toute vie chrétienne ne fut pas une utopie, un rêve pieux, un truc chrétien, un truc qui nous console, un beau désir qui nous rassure. Non, ce n’est pas non plus un optimisme bon marché, une position de principe, un truc du catéchisme. C’est une réalité vécue et annoncée par le Christ ! La mort du Christ en croix a rouvert le Ciel pour que chacun de nous y trouve sa place : « je pars vous préparer une place », nous dit Jésus, « et là où je suis, vous serez aussi » (Jn 14, 3). Nous attendons la venue du Christ, son retour, parce que nous savons que là où il est, nous serons avec lui. Et c’est cela que nous annonçons jusqu’à ce qu’il revienne. Nous désirons sa venue. Nous la demandons.
Tout ce que nous disons là est le fruit du Christ, fruit de sa mort sur la Croix et fruit de sa Résurrection. On ne peut parler de ces sujets à la légère, car c’est de la croix dont nous parlons, en fait. Nous voyons parfois comme des sourires quand nous parlons des fins dernières. Certains rigolent en pensant que nous fabulons. Combien de chrétiens disent ou pensent que, de toute manière, nous n’en savons rien ! L’évangile ne nous dit rien ? Saint Antoine de Padoue disait : « en aucun autre lieu l’homme ne peut mieux se rendre compte de ce qu’il vaut qu’en regardant dans le miroir de la croix ! ».
La fin du monde, l’espérance du Ciel, la venue de Dieu à laquelle nous croyons c’est bien celle-ci : la croix va se planter au coeur du monde et toute vie reflètera dedans. Dans cet acte immense d’amour, que vaudrons-nous ? que pèserons-nous ? Là est ce fameux jugement de Dieu nous parlons souvent. « Au soir de cette vie, nous serons jugés sur l’amour » disait St Jean de la Croix. Sur l’amour, oui : l’amour de Dieu qui fait miséricorde et qui nous rassure d’une certaine manière ; mais aussi sur l’amour que nous aurons nous-mêmes donné : l’amour à l’image de la croix. Là est le jugement qui nous attend : qu’as-tu fait de cet amour que tu as reçu et que tu étais toi-même appelé à donner ?
Devons-nous avoir peur de ce jugement ? La foi apporte une réponse et nous pourrions nous arrêter quelque peu sur l’évangile.
« Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles. Sur terre, les nations seront affolées par le fracas de la mer et de la tempête. Les hommes mourront de peur dans la crainte des malheurs arrivant sur le monde, car les puissances des cieux seront ébranlées. Alors, on verra le Fils de l’homme venir dans la nuée, avec grande puissance et grande gloire. Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche. »
Et il leur dit cette parabole : « Voyez le figuier et tous les autres arbres. Dès qu’ils bourgeonnent, vous n’avez qu’à les regarder pour savoir que l’été est déjà proche. De même, vous aussi, lorsque vous verrez arriver cela, sachez que le royaume de Dieu est proche. Amen, je vous le dis : cette génération ne passera pas sans que tout arrive.
Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas. Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre coeur ne s’alourdisse dans la débauche, l’ivrognerie et les soucis de la vie, et que ce jour-là ne tombe sur vous à l’improviste. Comme un filet, il s’abattra sur tous les hommes de la terre. Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous serez jugés dignes d’échapper à tout ce qui doit arriver, et de paraître debout devant le Fils de l’homme. » (Lc 21, 25-34)
Que pouvons-nous retirer de ce texte, que nous lisons dans la liturgie ?
Je laisse à notre méditation quatre points :
Ce jour viendra sur tous et tombera sur tous les hommes. Que nous le voulions ou non – et notre espérance est là aussi – tous les hommes seront un jour confrontés à Dieu, face à face. Jésus nous le promet. Certes, ce sera comme une surprise, comme un moment imprévisible. Mais cela arrivera. Un jour, une question a percé mon cœur lors d’une prière de louange. Quelqu’un de l’assemblée nous a posé cette question de la part du Christ : « et si je revenais ce soir, es-tu prêt ? ». Quelle question ! Empreinte de gravité et d’espérance, la réponse, la plus honnête de notre cœur, serait à la fois oui et non.
Et je vis avec cette question, chaque matin en me levant. Je me la répète. Ce jour serait-il le dernier ? Oh, non pas de manière mortifère ; mais de manière désireuse, impatiente, passionnée : Seigneur, serait-ce aujourd’hui que le voile tombe ? Nous ne sommes pas faits pour ce monde, mais pour l’autre. Et du coup, cela motive mon engagement ici-bas : le Seigneur ne doit pas me trouver endormi et je me mets en route pour vivre cette journée, le mieux possible, pour que le Seigneur me trouve en train de veiller.
Deuxième point : « Les hommes mourront de peur dans la crainte des malheurs arrivant sur le monde ». Cette fin et cette mort à laquelle nul ne peut échapper sont angoissantes pour tous les hommes. Jésus le sait bien et nous le dit. Souvenons-nous de tout cet apeurement l’an passé autour de cette fin du monde. Il y avait comme une angoisse (exagérée certes, mais une agitation quand même). Les gens ont peur de la mort, parce que, bien souvent, ils n’ont pas la foi. Ste Thérèse de l’Enfant Jésus le disait elle-même : « ah, si je n’avais pas la foi, je ne pourrai supporter tant de souffrances. Je suis étonnée qu’il n’y en ait pas davantage parmi les athées qui se donnent la mort » (parole rapportée par Sr Marie de la Trinité, Procès de l’Ordinaire, 2791). Et nous y sommes ! Nous devons aussi entendre ce cri à travers les revendications liées à l’euthanasie, non pour légitimer, mais pour entendre ce cri de souffrance face à la mort, quand il n’y a pas la foi. L’angoisse d’une non-vie s’ajoute à celle de la souffrance corporelle. Elle est peut-être bien plus grande encore. La foi nous aide et Jésus nous le dit : nous n’avons rien à craindre.
Troisième point : les hommes tomberont plus bas que terre à cause de leur péché ; alors que le Christ nous veut debout ! La débauche, l’ivrognerie, les soucis de la vie alourdissent le cœur de l’homme. Ces péchés déshumanisent l’homme et ne le laissent plus debout. Or, le Christ, vrai Dieu et vrai homme, nous veut de véritables hommes : face à un Roi, face à une puissance de ce monde, nous avons tendance à baisser la tête, à nous incliner. Nous osons à peine le regarder en face. Or, avec Jésus, l’homme est en tête à tête avec son Dieu. L’homme a la tête haute, car son Dieu s’est fait petit enfant. Il ne peut plus nous faire peur, ce Dieu. Et nous restons debout devant lui, en toute humilité.
Et enfin, il y a l’assurance de la victoire du Christ ! Certes, Luc nous dit bien qu’il y aura un combat. On dit souvent que la mort est la seule justice en ce bas monde. C’est faux ! La seule justice, la vraie, c’est bien que le Christ plantera sa croix en ce monde, de manière définitive. Dieu viendra de toute manière soumettre tout à son règne. Et il ne faut pas s’inquiéter de ce combat qui se fait dans les derniers temps. Jésus a enfanté notre salut par la Croix ; l’Église ne saurait vivre sa mission autrement, comme nous-mêmes. Il y a donc bel et bien une croix de l’Église, comme une lente montée vers Jérusalem, dont nous savons, nous, qu’elle mène à la Résurrection finale. Rester debout face aux fracas en ce monde, ce n’est pas seulement face aux évènements naturels que décrit Luc, mais c’est aussi face au péché qui nous entoure : le nôtre d’abord puis celui du monde. En ce cela nous restons debout, fermes dans l’espérance : le Christ emportera la victoire sur ce qui blesse le plus notre cœur.
Le Ciel est notre espérance, parce que le combat intérieur que chacun nous vivons cessera bien : le Christ viendra dira à chaque larron que nous sommes : « aujourd’hui, tu seras avec moi au paradis » (Lc 23, 43).
P. Cédric Burgun