Un mariage célébré par un laïc ? Oui, et alors ?
D’aucuns se sont étonnés récemment que l’Église puisse autoriser un laïc à célébrer un mariage, et en l’occurrence ici une religieuse. Mais faut-il rappeler qu’un certain nombre de mariages sont reconnus valides par l’Église (et ce tous les jours ! y compris en France) alors même qu’ils sont célébrés par un « laïc » : le mariage entre deux non baptisés « célébré » par M. le maire ou le ministre du culte de leur religion ; ou encore le mariage entre deux baptisés protestants, célébré devant le pasteur et reconnu licite, valide, par l’Église catholique : on les appelle pour la plupart « mariage naturel ». Pour bien comprendre le fondement de cette possibilité, y compris celle accordée récemment par le Saint-Siège à une religieuse, il faut revenir à quelques distinctions assez fondamentales.
La question du laïcat
Tout d’abord, et très rapidement, le Saint-Siège n’a pas autorisé une religieuse ou une femme à célébrer un mariage, mais un ou une laïc. Cette nuance est importante, car elle situe la question à sa juste place : nulle question d’avancée du droit des femmes dans l’Église ! De plus, depuis le Concile Vatican II, il n’y a plus que deux « ordres » dans l’Église : les clercs et les laïcs ; les religieux se situant d’un côté ou de l’autre. Une religieuse est une laïc. C’est donc bien la question d’un mariage célébré devant un laïc qui est questionné. Ni plus ni moins.
Le mariage comme vocation première de tout homme
Sur la question de la validité de tels mariages : je le rappelais, l’Église reconnaît un certain nombre de mariages comme valides, très régulièrement, et en l’absence de prêtres ! Pourquoi ? Parce que dès le livre de la Genèse, Dieu appelle l’homme et la femme au mariage.
Aujourd’hui, nous sommes dans un mélange multiculturel, multireligieux, avec un manque certain de bases chrétiennes. De plus en plus de relations amoureuses montrent ces croisements, et dans ce contexte, il n’est pas rare que l’un des deux fiancés ne soit pas baptisé. Mais ces couples « composites » demandent quand même le mariage à l’Église, d’abord pour y être préparé, parce qu’ils croient au mariage et parce que celui qui est baptisé ne s’imagine pas, la plupart du temps, ne pas se marier à l’Église et devant Dieu.
Il est important de souligner que l’Église accueille tout le monde et veut partir de la reconnaissance première de la condition de tout homme à répondre à l’appel de Dieu, Créateur : en se mariant, tout homme et toute femme répond à cette vocation première de créature. C’est aussi pour cela que, même quand la motivation de foi n’est pas la même, voire quand elle semble totalement absente, y compris chez deux baptisés, l’Église encourage la célébration du mariage ! La grâce de Dieu ne dépend pas uniquement – Dieu merci ! – de nos demandes et de la qualité de notre foi ; elle prolonge aussi l’acte créateur de Dieu : d’ailleurs, la seule bénédiction divine demeurée après la chute originelle est bien celle du couple et de sa fécondité ! Le mariage a ceci de particulier – contrairement à toutes les autres célébrations de l’Église – qu’il est d’abord fondé sur une réalité naturelle et toute « simple » : l’amour entre un homme et une femme. Et bien évidemment, l’absence du sacrement ne rend pas vains tout le cheminement humain et la beauté de cet amour conjugal-là, en réponse à l’appel de Dieu sur le mariage.
Deux époux, dont l’un ne serait pas baptisé ou les mêmes deux, mais qui vivent un amour sincère, fidèle, généreux, seront certainement, signes de cet amour divin, mais ne le répandront pas de la même façon, objectivement efficace dans le sacrement. L’amour est en chemin : quand Dieu bénit un amour authentique et vrai, mais qui aujourd’hui, ne peut pas être sacrement, il peut néanmoins donner la grâce aux conjoints de cheminer dans un don de soi, grand et fécond. Pour autant, tout lien conjugal, mais pris tout de même devant la société et devant Dieu, engage le reste de l’existence : il y a une cohérence à demander à Dieu de bénir cette union, et à conformer sa vie à la parole de Dieu, à le prier, et envisager d’élever ses enfants.
Et c’est justement pour préserver cette cohérence-là que l’Église reconnaît tout mariage célébré entre un homme et une femme, avec les propriétés du mariage telles qu’elle les conçoit de par la Révélation et la tradition. C’est bien pour préserver la vérité du premier engagement d’un homme et d’une femme que l’Église peut considérer la forme de cette célébration comme « seconde » et donc en dispenser.
Pour être très clair sur cette question, et même si je sais que la question de la nécessité du prêtre ou du diacre au mariage reste, pour certains une question doctrinale disputée, il n’en demeure pas moins que la praxis de l’Église a longtemps mis en avant cet argument premier : le mariage « naturel » d’un homme et d’une femme est premier. A ne vouloir reconnaître valides que les mariages célébrés devant le prêtre ou le diacre, des questions plus graves encore d’ordre œcuménique, pastoral et même doctrinal sur la théologie de la création et la possibilité de répondre à l’appel de Dieu en conscience et par sa nature de créature, verront le jour. Qui remettrait en cause la validité du mariage de Joseph et de Marie ?
Une possibilité canonique
Effectivement, le canon 1112 du Code de Droit canonique de 1983, à la suite du canon 228 §1[1], établit que :
« §1. Là où il n’y a ni prêtre ni diacre, l’évêque diocésain, sur avis favorable de la conférence des Évêques et avec l’autorisation du Saint-Siège, peut déléguer des laïcs pour assister aux mariages. §2. Il faudra choisir un laïc idoine, capable de donner une formation aux futurs époux et apte à accomplir convenablement la liturgie du mariage. »
Le Code de 1983, qui a été rédigé ainsi avec la plus grande prudence, n’a véritablement innové puisque le Pape Paul VI avait déjà autorisé la publication de l’Instruction Sacramentalem indolem, circa facultatem assistendi matrimonio concedendam laïcis, en mai 1974, de la Sacré Congrégation des Sacrements, qui concédait aux Évêques diocésains la faculté de donner à un laïc la faculté d’assister au mariage et aux consentements des époux, licitement et validement.
Plusieurs médias ont titré que le Vatican autorisait une religieuse à célébrer un mariage. Non : c’est bien l’évêque diocésain, après avoir reçu l’accord du Saint-Siège, qui délègue la faculté à des laïcs pour assister aux mariages, à certaines conditions. Dans tous les cas, le Saint-Siège autorise l’évêque diocésain (après un vote favorable de la conférence des Évêques du territoire concerné) à le faire sur son territoire. La nuance est grande, car c’est bien l’évêque qui discerne les conditions de pénuries, les compétences du laïc et le couple concerné. Il s’agit bien d’une situation exceptionnelle : les prêtres ou les diacres sont absents pour une cause grave, et notamment de pénurie. Là encore, nous retrouvons le « droit » premier à se marier de tout homme et de toute femme. Il n’est pas juste de les faire attendre.
Le paragraphe 2 indique bien – et ce volontairement de la part du législateur – que le laïc peut être indifféremment un homme ou une femme. De plus, parmi les conditions nécessaires, outre la pénurie des prêtres qui est première, il faut mentionner que le laïc doit être capable de donner une formation aux futurs époux et apte à accomplir convenablement la liturgie du mariage : autrement dit, la préparation au mariage sera toujours aussi sérieuse, ainsi que la célébration elle-même. Enfin, le laïc autorisé ne peut pas non plus dispenser des empêchements éventuels : il faudra toujours revenir à l’Ordinaire du lieu (pour faire simple ici, l’évêque diocésain ou son vicaire général par exemple), signe que le mariage est bien célébré de par l’autorité de l’Église et jamais sans elle.
En conclusion
Oui, le Saint-Siège l’a autorisé. Dans bien des endroits du monde et dans l’histoire, ces situations ont déjà existé. Mais l’absence de ministre ordonné à un mariage ne doit nous faire oublier des questions plus fondamentales encore : quelle signification le mariage a-t-il encore pour notre temps ? Quelle préparation alors que la pénurie ne touche pas seulement les prêtres pour le célébrer, mais bien aussi des laïcs pour les préparer ? Et enfin (et je pourrai ne pas m’arrêter là) : si certains se sont écriés au scandale de voir cela, je rappellerai que le plus grand scandale n’est pas dans la manière de célébrer telle ou telle célébration, mais bien dans l’accompagnement des chrétiens que l’on engage dans telle ou telle voie et qui souvent fait défaut ! Et là, c’est bien l’affaire de tous.
Père Cédric Burgun
[1] c.228 §1 : « Les laïcs reconnus idoines ont capacité à être admis par les Pasteurs sacrés à des offices et charges ecclésiastiques qu’ils peuvent exercer selon les dispositions du droit. »
Alexandre-Newman
28 juillet 2017 -
Bonjour mon père,
On m’a appris qu’il ne pouvait exister de mariage purement naturel entre deux baptisés. Soit le mariage est sacramentel, soit il est invalide et nul. Ainsi, deux baptisés catholiques se mariant civilement uniquement, et sans autorisation de la part de l’Eglise, attentent mariage invalidement.
Est-ce vrai ?
En ce qui concerne Joseph et Marie, leur mariage a eu lieu avant le passage de l’Ancienne à la Nouvelle Alliance, c’est donc un mariage naturel qui n’a que faire de nos arguties canoniques ^^
Cédric BURGUN
28 juillet 2017 -
Merci, oui, entre deux baptisés, il n’existe pas de mariage qui ne soit pas sacramentel, mais même célébré par un laïc avec la délégation de l’Eglise, comme je l’expliquais, le mariage sera bien sacramentel.
Pour ce qui concerne Marie et Joseph, il y avait bien des questions juridiques aussi à leur époque ; et le droit est loin d’être une argutie.
bien cordialement.
BLANCHIN Alain
28 juillet 2017 -
Les enjeux aujourd’hui sont cruciaux et les chrétiens ont plus que jamais besoin de faire entendre leur voix ! On ne peut ne plus se taire …
Bonjour Père,
Après lecture de votre réponse à l’étonnement provoqué par un mariage célébré par une personne laïc ; et, de votre ministère, ma réflexion est de me dire que, je suis bien ignorant au sujet de la Mission de notre Église.
Je pense que le temps est venu pour éclairer les Fidèles, au sujet de ce que l’Église leur donne comme mission. Surtout le sens qu’elle donne à l’exigence.
Pour moi, le mariage à l’église, oblige d’avoir reçu les 3 sacrements de l’initiation chrétienne, il en va de même pour être Parrain ou Marraine lors d’un Baptême ; c’est ce qui est partagé en catéchuménat. Ainsi, j’ai averti les parents de notre petite-fille Lucie, qui nous ont fait la joie de la faire Baptiser ; hélas le Parrain est d’origine algérienne et musulman de fait, non pratiquant ; la Marraine chrétienne non confirmée. Le Baptême est remis à une date ultérieure, en espérant que la Marraine demandera le sacrement de la confirmation.
L’Église nous informe ; mais l’Église par l’intermédiaire de ses Ministres, fait autrement de ce qu’elle dit.
Je suis « bouleversé » quand j’apprends qu’un mariage est célébré pour des fiancés qui n’ont pas suivi une catéchèse ; en somme le prêtre du lieu satisfait une demande personnelle sans l’exhausser ; il exauce un désir. Il en va de même bien sûr pour le Baptême, cérémonie vécue avec beaucoup d’indiscipline profane.
J’ai fait de l’accompagnement catéchuménat, je conduit la prière de funérailles avec accueil des familles, j’ai fait de l’aumônerie, participé au Parcours ALPHA ; et je suis très heureux des fruits du Concile Vatican II qui ouvrent les différentes Demeures de la Maison du Père.
Bien fraternellement, en souhaitant que mon propos soit compréhensible.
Alain BLANCHIN
Vendôme
Cédric BURGUN
28 juillet 2017 -
merci pour votre témoignage ! Bien à vous,
EMINE M-Hélène
28 juillet 2017 -
Mariage sacramentel par un laic??
un canoniste m a assuré qu un mariage « naturel »,à la mairie entre baptisés était totalement admis par L Eglise?J ai été étonnée mais face à un » savant »,je me suis assise sur ma formation!! Merci d éclairer ma lanterne! Ça clignotte.. De plus,c est un canoniste du 78! Donc…..!fraternellement emmanuellisante.MH E
Cédric BURGUN
29 juillet 2017 -
le mariage entre deux baptisés ne peut pas être uniquement « naturel ». Il est sacramentel ou il n’est pas.
Dupre
31 juillet 2017 -
Votre article est interessant mais votre titre trompeur et même dangereux. La question reste discutée dans l’Eglise latine notamment occidentale. En orient l’opinion largement dominante est même contraire. J’aime beaucoup le coyrs du père de la Soujeole notamment sur ce point. Or vous laissez croire que cette position serait si évidente que toute critique de cette décision paraitrait superflue. Attention aux légalismes dans l’Eglise qui devraient taire toute critique (le Code n’est pas si clair que cela sur ce point en usant de guillemets) et aux figures rhetoriques faciles…
Cédric BURGUN
31 juillet 2017 -
merci pour votre retour. Cependant, le droit canonique ne met pas de guillemet ni à cet endroit ni ailleurs, et cette possibilité existe dans la pratique de l’Eglise actuelle et ancienne. Je ne fais que le mentionner sans l’absolutiser toutes fois : c’est le sens de ma conclusion. Et il me semble donc que la réthorique facile est du côté d’un refus net et sans nuance, ce que j’ai largement vu sur les réseaux ces derniers jours … bien cordialement.
Dupre
31 juillet 2017 -
Votre article est interessant mais votre titre trompeur et même dangereux. La question reste discutée dans l’Eglise latine notamment occidentale. En orient l’opinion largement dominante est même contraire. J’aime beaucoup le coyrs du père de la Soujeole notamment sur ce point. Or vous laissez croire que cette position serait si évidente que toute critique de cette décision paraitrait superflue. Attention aux légalismes dans l’Eglise qui devraient taire toute critique (le Code n’est pas si clair que cela sur ce point en usant de guillemets) et aux figures rhetoriques faciles…