L’avent : le temps du désir
9 décembre, 2013   //   Par :   //   billets, eglise, droit canonique   //   2 commentaires   //   6286 Vues

L’Avent nous offre chaque année l’occasion de repenser pour nous-mêmes et pour l’Église la venue du Seigneur Jésus. Le Christianisme a cela d’original qu’il annoncera sans cesse la venue d’un Dieu dans la chair. Certes, nous confessons, comme tant d’autres, le Dieu unique et vrai. Certes, nous confessons son unité et son unicité. Mais, nous confessons ce que personne d’autre ne confesse : Dieu est venu en notre chair et il a pris un visage d’homme ! Et ça, c’est exceptionnel …

Si l’Église, par la liturgie de l’Avent, nous invite chaque année à ré-habiter ce mystère, c’est pour que nous soyons chaque jour comme en attente : oui, le Christ est venu dans la chair, il y a plus de 2000 ans ; oui, le Christ reviendra un jour où chacun de nous ne l’attendra pas vraiment … puisqu’il viendra – faut-il nous le rappeler ? – comme un voleur ! Mais oui aussi, il vient chaque jour dans une même mangeoire !

L’Avent est donc ce temps d’attente où nous creuserons notre désir. Or, la différence entre attente et désir est fondamentale. Étymologiquement, l’attente est passive : on attend, on reste là et l’on patiente avant que les choses n’arrivent. Le terme désir au contraire, qui vient du latin desiderare, signifie « regretter l’absence de ». Il y a donc dans le désir une passivité active : un regret qui hâte la venue de l’être aimé. Désirons-nous vraiment la venue de Jésus pour qu’elle soit la plus rapide possible ? La hâtons-nous ?

Il nous faut creuser ce désir ; être des hommes et des femmes de désirs. Et que désirerons-nous, sinon Dieu seul ? Nous le désirerons pour nous-mêmes,  mais aussi pour tous nos frères en humanité. Ainsi, notre Avent sera un temps de conversion de notre propre attente, et un temps missionnaire où nous désirerons (c’est-à-dire nous regretterons son absence) la venue de Dieu dans la vie de tous. Notre désir deviendra une prière ardente : « Viens bientôt, Sauveur du monde ! » (hymne liturgique de l’Avent).

 

L’accueil de Dieu …

Accueillir Dieu à la crèche, ce n’est pas seulement disposer des santons, arranger un sapin et aller à la messe de minuit, et faire mémoire d’un événement passé. Remarquez que cela ne serait déjà pas si mal …

Mais je dirai juste qu’accueillir Dieu à la crèche, c’est prendre conscience d’au moins de deux choses : tout d’abord, la liturgie n’est pas un film que l’on visionne d’année en année et qui serait le même tous les ans ! La liturgie est une mise en présence de l’événement. Quand l’Église célèbre Noël, par la liturgie, elle rend présent aux hommes ce mystère et leur donne de le contempler, de l’accueillir et d’en vivre. Donc, Noël, c’est réellement la naissance du Christ que nous sommes appelés à vivre !

Deuxièmement, cela concerne notre manière d’aller à la crèche. Dieu vient dans l’aujourd’hui de nos vies, avec tout ce qu’elles comprennent ! Vous savez, on voudrait toujours se présenter bien sapé devant Dieu. On voudrait que les gens aient une vie morale bien réglée. On voudrait … Mais … cela ne marche pas comme ça ! Pourquoi Jésus est venu ? Il est venu pour les malades, les infirmes, les pécheurs et les gens de mauvaises vies. On voudrait tellement que les gens autour de nous soient croyants, catho, biens sous tout rapport, et moralement ok ! C’est vrai que cela serait plus simple. Avouons que bien souvent nous souhaitons cela par recherche du plus confortable ! Tout le monde serait converti, tout le monde serait croyant, tout le monde serait bien d’un point de vue moral. Non, dans ses rapports aux autres, Jésus n’est venu pas dans le confort, mais bien dans la crèche et à la croix !

Tu es pécheur ? Tant mieux, il est venu pour toi ! Le monde n’en veut pas ? Tant mieux, Jésus est venu pour ça ! Le monde est rempli de pécheurs, oui, et Jésus est venu pour eux d’abord. Voilà comment on accueille Dieu à la crèche. On comprenant que Jésus est venu pour ma pauvreté.

Nous avons trop tendance à réduire la foi chrétienne à une morale. Il y aura toujours un côté facile à dire ce qu’il faut faire ou ne pas faire. C’est toute la différence entre le pharisien et le disciple. Le pharisien dit : « fais ceci, ne fais pas cela » ; il se réjouit de ce qu’il fait de bien et de ce qu’il évite de mal. Le disciple, comme Jean-Baptiste, dit : « voici l’agneau de Dieu », et il le montre ! Voilà ce qu’est accueillir Dieu à la crèche : c’est l’accueillir dans notre pauvreté. C’est l’accueillir avec ce que nous sommes. C’est comprendre que notre monde ne l’accueillera pas autrement que pauvrement !

Plus nous donnerons l’image d’une Église moralisante, plus nous éloignerons les gens de la crèche : tel est le message si actuel du Pape François ! Dieu est venu, et ce sont les bergers, les mages (pensez donc, des étrangers ! mon Dieu !), qui l’ont accueilli en premier. Jésus est venu, et c’est la femme adultère qui était là. Jésus était sur la croix, et c’était un centurion romain qui l’a accueilli. Jésus est mort en croix et c’est un condamné à mort (la pire des sanctions romaines pour le pire des meurtriers – faut s’en souvenir qu’en même – qui devient le premier des canonisés de l’histoire !). Voilà la crèche, voilà la venue de Dieu.

 

Le désir de Dieu : vient-il vraiment dans nos vies chaque jour ?

Jésus vient ! Il vient donc dans nos vies, cette année, en ce jour, en cette fête de Noël ; il nous apporte la nouveauté de la grâce de Dieu ; la nouveauté de son amour, dont nous n’aurons jamais fini d’être comblés. Beaucoup de saints ont vécu la plus grande grâce de leur vie à Noël : Ste Thérèse, Charles de Foucault, Antoine Chevrier, Marcel Van, et tant d’autres. Pourquoi ? Parce qu’ils attendaient encore quelque chose de Dieu. Et nous ? Qu’attendons-nous de ce Noël 2013 ? Choisirions-nous de préférer Jésus à tout le reste, comme je le disais dans mon 1er billet ? Même si cette question étonne, il est bon de se la poser : l’évangile nous la pose lorsque Jésus nous demande de venir à lui en renonçant à tout le reste. Cette préférence de Jésus à tout le reste n’est pas une renonciation par exclusion, mais une préférence d’ordre. Préférer Jésus à tout le reste ne signifie pas exclure tout le reste. Mais l’amour du Christ, cette préférence, ne peut se faire uniquement « à travers » les choses de cette vie. Comme me le disait un jour un prêtre âgé plein de sagesse : la pauvreté, ce n’est pas rien avoir, mais savoir le lâcher dès que le Christ nous le demande. Analogiquement, préférer Jésus à tout le reste n’est donc pas exclure tout le reste, mais savoir l’abandonner au moment opportun. Or, nous savons bien combien notre foi nous met parfois en porte à faux. Que choisissons-nous dans ces cas-là ? Là est la préférence du Christ.

Si Jean-Baptiste vient nous secouer particulièrement au cœur de l’avent, comme ce fut le cas dimanche dernier, c’est bien parce qu’il n’y a que l’humble de cœur qui accueille la nouveauté de Dieu sans être blasé. L’orgueilleux sait, il connaît déjà, etc. Serons-nous des habitués de la crèche, cette année encore ? Ou accueillerons-nous ce mystère étonnant de nouveauté, comme des enfants qui s’émerveillent comme pour la première fois ? Noël sera-t-il une surprise de la part de Dieu dans nos vies ? Qui sait ? Peut-être que Dieu a prévu de se révéler de manière toute particulière dans nos vies. Nous laisserons-nous surprendre ? C’est tout le l’enjeu de cette conversion, vécue au jour le jour.

Dieu vient à la crèche et ce temps de l’avent doit aiguiser notre désir de la venue de Dieu : sa venue à la parousie, comme je l’ai dit précédemment, mais aussi sa venue par d’autres moyens dont Dieu seul à le secret pour nos vies. Certes, Dieu passe par les sacrements, mais ce n’est pas le seul moyen par lequel Dieu passe. Et le temps de l’avent, ce temps où l’on va désirer Dieu de plus en plus, de mieux en mieux, peut nous faire redécouvrir la ou les manières dont Dieu se donne à nous, dont il nous parle, dont il nous nourrit.

Par sa parole déjà … à chaque fois que quelqu’un lit quelques versets de la Bible, Dieu est là. Comment est-ce que je me nourris de la parole de Dieu ? Le temps de l’avent est ce temps où justement le peuple médite sur les promesses de Dieu, les assimile et les intègre à son désir : il attend que Dieu vienne les réaliser ; mais si je ne me nourris pas de la parole de Dieu, si je ne médite pas ses promesses, comment désirer leur réalisation, la réalisation de ses promesses ?

Dieu vient aussi par le sacrement de l’Eucharistie : la messe le dimanche (où en suis-je de ma participation dominicale ? etc.), mais aussi la messe en semaine… Il y a aussi le temps d’adoration eucharistique. Comment accueillir le mystère de Dieu à la crèche qui est le mystère même de l’adoration sans l’adorer en Sa Présdence réelle ? L’adoration nourrit notre accueil du mystère de Dieu. Un chrétien qui n’adore pas, c’est un chrétien qui ne vient pas à la crèche. La pauvreté est la même : un étable, un morceau de pain. Le mystère est le même : Dieu est là.

Par les autres sacrements, et notamment la confession : depuis quand ne vous êtes-vous pas confessés ? Sa fréquentation régulière évite les généralités, les tendances (y a rien de pire que de confesser des tendances), et nous évite d’oublier l’essentiel. Vous savez, c’est comme quand on fait le ménage : moins on va le faire souvent, plus ça va être pénible de s’y mettre. Et alors là, deux solutions : soit on le fait à fond, et ça prend 3 jours … soit on va le faire en surface parce qu’il y a des amis qui se pointent et il faut que ça paraisse propre …. Dans ces cas-là, on passe l’aspirateur autour des meubles et des tapis, mais sans les bouger, on fait la poussière autour des vases et des assiettes de bonne-maman, mais surtout sans rien sortir de l’armoire. Et ça ne se verra pas ! Plus on se confesse régulièrement, plus on va loin dans nos désirs de conversion, jusqu’à ces petits trucs qui nous pourrissent la vie au quotidien. Un jour, je recevais quelqu’un qui soupirait parce que, me dit-elle, elle confessait toujours la même chose. Et je lui répondis du tac au tac : « vous ne voudriez pas en amener des nouveaux à chaque fois, quand même ? »

Dieu nous rejoint par le pauvre ; Il nous rejoint aussi dans les évènements de nos vies, heureux ou malheureux. Si nous ne nous habituons pas à accueillir Dieu quand tout va bien, par la louange, par l’adoration, alors on ne l’accueillera pas quand ça ira un peu plus mal. Désirer Dieu dans toute sa vie, en toutes ses dimensions : famille, travail, en politique, etc.

Nous ne pouvons pas être chrétiens et nous résigner à tout ce que l’on voit. Quel sera notre engagement pour permettre à Dieu d’advenir en ce monde ? Voilà aussi la question que Dieu nous pose à la crèche. Oui, notre monde est pauvre, parfois même écoeurant (osons le mot …). Si Dieu n’a pas eu peur de loger dans une étable, oserons-nous loger en notre monde ? Quand on voit l’engagement de Marie, de Joseph, de Jean-Baptiste, on ne peut plus être chrétien à moitié. Ce n’est pas possible. On doit espérer et préparer nous-mêmes l’avènement de Dieu en ce monde. Nos cœurs sont les nouvelles crèches où Dieu veut se poser.

Nous devons rester dans le désir de l’espérance ! L’avent est ce temps privilégié où l’on va fortifier, par notre prière et notre ouverture à Dieu, la vertu de l’espérance. Elle a été semée en nous par notre baptême. Comment la cultivons-nous ? Le Pape Benoit XVI dans son encyclique Spe Salvi, que je vous invite à lire ou à relire en ce temps d’avent (nn.49-50) nous disait :

« Depuis plus de mille ans, l’Église salue Marie, Mère de Dieu, comme « étoile de la mer » : Ave maris stella. La vie humaine est un chemin. Vers quelle fin? Comment en trouvons-nous la route? La vie est comme un voyage sur la mer de l’histoire, souvent obscur et dans l’orage, un voyage dans lequel nous scrutons les astres qui nous indiquent la route. Les vraies étoiles de notre vie sont les personnes qui ont su vivre dans la droiture. Elles sont des lumières d’espérance. Certes, Jésus Christ est la lumière par antonomase, le soleil qui se lève sur toutes les ténèbres de l’histoire. Mais pour arriver jusqu’à Lui nous avons besoin aussi de lumières proches – de personnes qui donnent une lumière en la tirant de sa lumière et qui offrent ainsi une orientation pour notre traversée. Et quelle personne pourrait plus que Marie être pour nous l’étoile de l’espérance – elle qui par son « oui » ouvrit à Dieu lui-même la porte de notre monde; elle qui devint la vivante Arche de l’Alliance, dans laquelle Dieu se fit chair, devint l’un de nous, planta sa tente au milieu de nous (cf. Jn 1, 14) ? C’est ainsi que nous nous adressons à elle:

Sainte Marie, tu appartenais aux âmes humbles et grandes en Israël qui, comme Syméon, attendaient « la consolation d’Israël » (Lc 2, 25) et qui, comme Anne, attendaient « la délivrance de Jérusalem » (Lc 2, 38). Tu vivais en contact intime avec les Saintes Écritures d’Israël, qui parlaient de l’espérance – de la promesse faite à Abraham et à sa descendance (cf. Lc 1, 55). Ainsi nous comprenons la sainte crainte qui t’assaillit quand l’ange du Seigneur entra dans ta maison et te dit que tu mettrais au jour Celui qui était l’espérance d’Israël et l’attente du monde. Par toi, par ton « oui », l’espérance des millénaires devait devenir réalité, entrer dans ce monde et dans son histoire. Toi tu t’es inclinée devant la grandeur de cette mission et tu as dit « oui » : « Voici la servante du Seigneur; que tout se passe pour moi selon ta parole » (Lc 1, 38). Quand remplie d’une sainte joie tu as traversé en hâte les monts de Judée pour rejoindre ta parente Élisabeth, tu devins l’image de l’Église à venir qui, dans son sein, porte l’espérance du monde à travers les monts de l’histoire. »

 Père Cédric Burgun

Articles précédents de notre parcours de l’Avent :

 

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