Joyeux Noël !
“Que le Seigneur te bénisse et te garde ! Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, Qu’il se penche vers toi ! Que le Seigneur tourne vers toi son visage, Qu’il t’apporte la paix ! C’est ainsi que mon nom sera prononcé sur les fils d’Israël, et moi je les bénirai.” Nb 6, 23-27
Pour les générations passées, et dans leur prière et dans leur foi, l’enfance du Christ avait une grande place, chose que l’on connaît moins aujourd’hui. Pour méditer sur le mystère de l’enfance de Jésus, il nous faut méditer sur notre propre enfance : temps de la découverte du monde, dans la joie, dans les larmes, temps de l’apprentissage de la vie et de l’enthousiasme, temps de découvertes et de tous les possibles, mais temps aussi de la confiance exprimée, sans cesse renouvelée. Dans quelle dépendance vit un enfant vis-à-vis de ses parents !
Jésus a voulu vivre ce temps de l’enfance. Si nous reprenons les évangiles, c’est vrai que l’on passe directement des évangiles de l’enfance aux évangiles de la vie publique. Nous oublions trop souvent (même si nous le savons intellectuellement) que Jésus a passé 30 ans de sa vie, caché, vivant le quotidien de sa vie, dans sa famille, travaillant et se soumettant aux contingences de ce monde, en toute humilité ! L’enfance de Jésus ne fut pas seulement une fête, liturgique ou sociale, en plein de mois de décembre ; et hop, on passerait à autre chose ! Non, l’enfance du Christ fut comme toutes nos enfances : elle a duré dans le temps, elle a eu ses joies (jeux, son éducation, son apprentissage) et ses peines (comme le décès de Joseph). En tout cela, Jésus rejoint notre vie au quotidien. Cela demeure un exemple pour nous. Jésus a voulu vivre toutes les étapes de notre vie humaine. Jésus a appris à être un homme : quel exemple ! En méditant sur cette partie de sa vie, nous nous mettons déjà à sa suite.
Pourquoi Jésus est-il né ici-bas ? Si Dieu vient dans cet enfant, c’est justement pour nous rejoindre dans notre humanité, de manière humble et discrète. De manière simple pour ne pas nous effrayer. Le problème fondamental de l’homme ne réside pas d’abord dans ses péchés. Non ! Le problème fondamental de l’homme est qu’il persiste à vouloir se sauver lui-même ou à croire que le Ciel, le Paradis lui est un dû. Or, et Noël nous le montre bien, un cadeau ne se mérite pas, ne se doit pas, mais se reçoit. Un cadeau n’est pas un dû, mais un don !
Quand Isaïe annonce la naissance d’un futur roi, celui que tout Israël attend, il nous dit dans la 1ère lecture de Noël : « Comme il est beau de voir courir sur les montagnes le messager qui annonce la paix. » (Is 52, 7). En la nuit merveilleuse de Noël, a résonné une autre parole, celle de l’évangéliste Luc : « Paix aux hommes que Dieu aime ». Comprenons bien cette parole : Dieu donne sa paix aux hommes parce qu’ils les aiment. Quand j’étais gamin, je comprenais de travers cette parole que j’entendais sans l’avoir lue : quand j’entendais « paix aux hommes qu’il aime » comme on traduit parfois, je comprenais : Dieu donne sa paix seulement aux hommes qui l’aiment ; le verbe aimer ayant pour sujet les hommes. Mais du coup, mon cœur de gosse ne comprenait pourquoi Dieu faisait une telle différence entre les hommes ! Quelle surprise le jour où, plus grand, j’ai compris : « paix aux hommes qu’il aime » ; le verbe « aimer » étant au singulier, avec un sujet « il » : Dieu ! Dieu aime les hommes et de cet amour découle sa paix. Là, tout est dit sur l’expression de l’amour de Dieu à la crèche, sur sa tendresse envers les hommes : il donne sa paix !
Quand Adam et Eve ont péché, il s’est passé quelque chose de déterminant pour notre humanité : « l’homme et sa femme se cachèrent devant Dieu. » (Gn 3, 8). On touche là une des réalités les plus profondes du cœur humain : la peur de Dieu. Consciente ou non, elle habite nos cœurs et immobilise souvent l’amour. En un instant, l’homme est passé d’un Dieu-Père entre les mains duquel on joue comme un enfant, à un Dieu juge dont on fuit la face … et le drame de la « faute originelle » est bel et bien dans la méconnaissance du Père. On s’imagine alors Dieu comme un despote jaloux. C’est cette caricature de l’image de Dieu qui va être le plus dure à extirper de l’homme.
Le seul remède à cela est l’enfance ! Pour redécouvrir le Cœur réel du Père et nous laisser réapprivoiser par Lui, nous avons reçu le pouvoir de devenir enfant de Dieu, à l’image du Fils de Dieu lui-même. Dieu nous invite à éliminer peu à peu la peur qui nous tenait loin de lui : c’est d’abord cela la définition de cette paix promise et qui nous est donnée à Noël. Dieu lui-même n’a pas supporté cette distance mortelle mise entre Lui et l’homme et l’a vaincue par sa propre enfance.
Dieu a voulu venir en notre monde par une naissance humaine pour que nous nous laissions attendrir par lui, que nous retrouvions ce chemin de l’amour tout simple de l’enfance et de la confiance. Cela fait partie de la délicatesse de notre Dieu qui veut nous rejoindre simplement et sans éclat. Cette tendresse de Dieu s’exprime dans la pauvreté de la crèche.
Nous rêvons souvent que Dieu vienne nous sauver de manière magique : nous-mêmes et ce monde. Nous rêvons d’un salut qui s’opèrerait d’un coup de baguette magique : hop, nous irions mieux, le monde irait mieux, etc. Nous souhaitons quelque part au fond de nous-mêmes être affranchis du péché, comme par miracle.
Mais non ! Pour accueillir Dieu, sa paix, son amour, son pardon, il nous faut pose un véritable acte de liberté et de volonté. Il nous faut le vouloir. Et l’on ne s’approche jamais d’un enfant sans que cela ouvre notre cœur. L’enfant ne s’impose pas : il s’accueille. Ce n’est pas lui qui forcera le premier vos bras pour y venir s’y blottir. Mais c’est vous qui devriez lui tendre les bras en signe d’accueil. Nous n’avons pas à nous étonner que ce soit les pauvres, les bergers qui, les premiers, viennent reconnaître leur Sauveur. Il est attiré par nos pauvretés et toutes nos fausses routes. Prenant notre humanité, Dieu nous montre la meilleure manière de l’accueillir et de lui ressembler : en devenant enfant. La crèche est pauvre et tout à fait banale. Le signe de Dieu est là justement : c’est dans la banalité quotidienne, voire même dans la pauvreté, que nous le rencontrons. L’enjeu de notre foi est là : accepter cette pauvreté à laquelle Dieu nous appelle.
Chers amis,
Permettez-moi de faire miennes les quelques paroles bibliques de bénédictions : pour chacun d’entre nous, pour nos familles, pour notre monde : nous avons tant besoin de la paix véritable qu’apporte l’enfant de la crèche ! Dans cette lumière, seule source de notre espérance, je vous adresse mes voeux les plus sincères pour ces fêtes et cette nouvelle année 2014 ! Que chacun de nos gestes et chacune de nos paroles servent profondément à cette paix.
Père Cédric Burgun