Conversion pastorale, miséricorde et compassion
9 octobre, 2014   //   Par :   //   a chaud, eglise, droit canonique, Synode 2014   //   1 commentaire   //   5939 Vues

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Le synode l’a annoncé clairement dès le premier jour : « Si le synode ne met pas en discussion la doctrine, il réfléchit sur la pastorale, sur le discernement spirituel nécessaire à l’application de la doctrine face aux problèmes de la famille. La miséricorde n’élimine pas les commandements, elle en est la clef herméneutique. » (2nde congrégation générale).

Cette question est intéressante, car, trop souvent, les rapides commentaires semblent opposer dogme et miséricorde ; ou encore pastorale et vérité dogmatique ; alors qu’il n’en est rien… Cette question épineuse est à creuser. Elle ne peut pas être résolue en un coup de baguette magique. J’y reviendrai dans un prochain billet.

Mais être dans la miséricorde, c’est déjà reconnaître que la pastorale familiale est en souffrance. Combien de couples de jeunes ou de moins jeunes vivent avec difficulté leur vie conjugale ? Dès le deuxième jour, le synode s’est attaché à regarder ses souffrances en face et, lors une conférence de presse, le Saint-Siège indiquait que, pour le moment, 90% des interventions étaient en fait un état des lieux graves et sincères. Une importance toute particulière est donc à accorder à la « médecine de la miséricorde ». Mais les pères synodaux ont rapidement mis en lumière que ce l’on appelle « des obstacles pastoraux » ou « des souffrances » sont en fait « des opportunités pour l’évangélisation » ! Autre constat : il nous faut changer nos pastorales pour que les familles puissent faire une vraie rencontre avec Jésus. Trop souvent nos parcours ressemblent plus à des formations trop intellectuelles sans grands effets, alors qu’être dans la compassion et la miséricorde, c’est autre chose. Quelle place ont les familles blessées dans notre Église alors que le monde les exclut ?

Le synode appelle donc clairement à un « changement de paradigme », pour reprendre les mots du cardinal Kasper, c’est-à-dire un changement de manière de voir les choses, de les appréhender, de les toucher. Une manière qui prendrait en compte la souffrance, toujours présente évidemment, dans toutes les situations que le synode abordera. Et c’est précisément cette question de la souffrance qui fait tant défaut dans les diverses remontées médiatiques du synode. Parler de miséricorde, c’est se pencher sur la souffrance des personnes avent même de parler de changement de dogme, de façon de faire, de voir, de réfléchir ou même encore de droits à avoir ceci ou cela en Église. Nous devons être dans une pastorale « de la tolérance, de la clémence et de l’indulgence ». Et le cardinal Kasper, dont il est bon de voir vraiment ce qu’il dit, avait lui-même interpellé les cardinaux : « Il y a beaucoup de souffrance. Il ne suffit pas de considérer le problème seulement du point de vue et dans la perspective de l’Église comme institution sacramentelle. Nous avons besoin d’un changement de paradigme et nous devons, comme l’a fait le bon samaritain, considérer la situation aussi dans la perspective de quelqu’un qui souffre et demande de l’aide. » 

Est-ce que toutes nos approches de ce synode sont empreintes de cette compassion que les pères synodaux ont regardée hier ? Je ne le crois pas. Cette question de la souffrance est encore plus délicate qu’il n’y paraît : comment concilier fidélité et miséricorde, comment se situer entre rigorisme et laxisme ? C’est bien cela qui est en jeu maintenant et c’est bien ce qu’a relaté la 3e congrégation (le 7 octobre) : « C’est la miséricorde qui soigne et accompagne, d’autant que les familles en crise n’attendent pas des solutions pastorales rapides. Elles ne veulent pas être de simples statistiques, mais se sentir comprises et aimées. (…) C’est bien d’une conversion pastorale dont il est besoin pour rendre l’annonce évangélique plus efficace. » À nous d’entendre ce cri au milieu d’une certaine agitation médiatique !

Père Cédric BURGUN +

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1 commentaire pour “Conversion pastorale, miséricorde et compassion”
  • Jocelyn Girard
    10 octobre 2014 -

    Merci pour ce billet. Je suis bien à l’aise avec cette perspective entourant la souffrance des couples dans leur rapport à l’Église. Mais dans mon entourage, les couples qui vivent hors des murs de l’Église ne sont pas toujours en souffrance! Bien au contraire, un grand nombre d’entre eux s’épanouit dans un amour sincère, accueillant les enfants dans une fécondité qui peut inspirer d’autres à s’engager dans cette voie. Le Synode ne devrait-il pas aussi, magnifier les « réussites » humaines et montrer que l’amour, vécu dans le cadre de l’Église ou hors de celle-ci, trouve toujours sa source en Dieu-Trinité?
    En même temps, je sais bien que ces couples (et même des catholiques bien insérés dans l’Église) ne sont jamais exempts d’épreuves, de défauts, même de manquer à l’amour. Si l’Église posait un regard positif sur ces expériences humaines qui transforment (hors mariage religieux, unions de fait, mariages civils, etc.), peut-être trouverait-elle le chemin vers le coeur de ces personnes pour, peu à peu, leur présenter le bien-aimé du Père, Jésus, qui a quelque chose de l’ordre d’un trésor à leur offrir?