Il y a comme une fébrilité qui monte …
Il y a comme une fébrilité qui monte ces derniers jours au sujet des congrégations générales, des cardinaux, du conclave, et du gouvernement de l’Église.
Il est vrai que ce conclave est sans doute l’un des plus médiatisés que l’Église ait connu et pour cause : en 1978, les médias n’avaient pas encore le pouvoir qu’ils ont aujourd’hui ; en 2005, nous étions tous sous le « choc » d’un grand pape qui venait de nous quitter ; en 2013, nous sommes aussi sous le choc d’un autre grand pape, qui a posé un autre grand acte prophétique en renonçant à sa charge.
Mais permettez-moi de le redire : le temps de l’Église ne sera jamais le temps du monde ! Il y a comme une course à l’ère médiatique, dans laquelle même certains chrétiens tombent la tête la première ! Chacun y va de son initiative et de son commentaire : ici, il faut « adopter » un cardinal ; ici, on fait la liste des papabiles ; ici, on fait la liste des cardinaux soi-disant les plus noirs qui ne devraient pas être élus ou même participer au conclave. Oui, et au risque de vous surprendre, je mets tout ça dans le même sac. Il y a comme une agitation médiatique qui n’est pas bonne et qui n’est pas juste. Sans doute qu’adopter un cardinal (http://www.adoptacardinal.org) peut paraître drôle au premier abord. Mais ne donne-t-on pas prise à cet emballement médiatique ?
Contre toute attente, oui, les cardinaux ont choisi de prendre leur temps. De discuter, de se connaître, et de débattre, posément, avant d’entrer en conclave. Pour certains cela révèle une crise institutionnelle, pour d’autres que les cardinaux italiens ont « perdu » leur bataille de la succession. Avons-nous suffisamment de clés pour y répondre ?
Mais où va-t-on ? Que nous a dit Benoit XVI en partant dans le silence de sa retraite quasi monacale ? C’est la confiance qui doit présider à nos actions et non une agitation bien humaine : « En ce moment, il y a en moi une grande confiance, parce que je sais, nous savons tous, que la Parole de Vérité de l’Évangile est la force de l’Église, est sa vie. L’Évangile purifie et renouvelle, porte du fruit, partout où la communauté des croyants l’écoute, et accueille la grâce de Dieu dans la vérité et dans la charité. Telle est ma confiance, telle est ma joie » (dernière audience de Benoit XVI, le mercredi 27 février 2013).
Qui guide l’Église ? « Chers amis ! Dieu guide son Église, la soutient toujours aussi et surtout dans les moments difficiles. Ne perdons jamais cette vision de foi, qui est l’unique vraie vision du chemin de l’Église et du monde. Dans notre cœur, dans le cœur de chacun de vous, qu’il y ait toujours la joyeuse certitude que le Seigneur est à nos côtés, qu’il ne nous abandonne pas, qu’il nous est proche et nous enveloppe de son amour. Merci ! » (dernière audience de Benoit XVI, le mercredi 27 février 2013).
L’Église est conduite par le Christ. Alors oui, le futur pape aura du pain sur la planche. Oui il devra passer par une réforme du mode de gouvernement de nos structures ecclésiastiques. Il ne faut pas être grand clerc pour le discerner et le comprendre. Mais Jean-Paul II a surpris tout le monde par son audace, son courage et sa ténacité. Benoit XVI a surpris tout le monde par son humilité, sa douceur – lui que l’on appelait le panzer-cardinal ! – et son courage dans les crises traversées.
Chacun y va de ses désirs : qui veut un pape pauvre, qui veut un pape au pied nu, qui voudrait un pape qui vende le Vatican ; qui voudrait un pape noir ; qui voudrait un pape qui convoque le Concile Vatican III ; qui voudrait un pape qui soit élu par le peuple ou des délégués ; qui voudrait un pape qui ouvre le mariage des prêtres ; qui voudrait un pape qui ordonne des femmes … vous en voulez encore ? Ces litanies lues ici ou là sont fatigantes. Le futur pape nous surprendra de toute manière et ne répondra pas à ses désirs trop humains. L’Église, c’est autre chose qu’une démocratie médiatique où par des pressions et des lobbyings, on arriverait à nos fins !
Chacun y va de son petit commentaire, mais prenons un peu de recul. Dans une période aussi importante, grave, et riche pour l’Église, plutôt que d’ouvrir des sites internet, des profils Facebook ou des comptes Twitter pour le conclave, nous devrions nous plonger dans le silence de la croix et de la prière ; dans l’humble adoration devant le Christ qui gouverne de toute manière son Église. Moi je veux un pape qui nous remette face à la Croix du Christ et qui nous dise : « ton péché est là ! et le chemin de ta sainteté aussi ». Jean-Paul II ne nous disait pas autre chose ; Benoit XVI non plus.
A notre niveau, n’attendons rien des réformes structurelles de l’Église. Elles n’ont jamais précédé la sainteté des fidèles, mais c’est de la sainteté des fidèles que découlent les réformes de l’Église. Prenons un seul exemple : saint François d’Assise n’a pas commencé par faire des communiqués de presse ou des grands articles sur le besoin – réel ! – en son temps que l’Église s’appauvrisse. Il a commencé par la vivre lui-même et son témoignage de sainteté a converti les cœurs jusque dans les plus hautes sphères ecclésiastiques. Prenons exemple …
Moi je supplie Dieu de nous préserver de cette fébrilité médiatique qui devient un peu insupportable ! Le pape nous sera donné quand Dieu le voudra ! Le pape qui sera donné sera celui que Dieu aura voulu et, en attendant, nous serions bien inspirés de faire comme Benoit XVI, plutôt que de nous agiter : « parmi le Collège cardinalice, se trouve également le futur Pape, auquel je promets dès aujourd’hui mon respect et mon obéissance inconditionnels. » (salut de congé du pape Benoit XVI aux cardinaux présents à Rome, le 28 février 2013).
P. Cédric Burgun
Charles Vaugirard
8 mars 2013 -
Votre propos est intéressant. Il est certain que ce conclave est l’un des plus exposés médiatiquement. Nous voyons peut-être émerger une opinion publique mondiale via les NTIC et celle-ci se fait entendre pendant cet évènement. Le fonctionnement clos du conclave est donc plus que jamais pertinent.
Mais je trouve qu’il y a tout de même un peu de positif dans cette « agitation ». Des démarches comme Adopt a cardinal, 266 ou mission conclave sont là pour inviter les chrétiens à prier. Non pas à prier pour qu’un « favori » soit élu (ce qui serait absurde et dangereux), mais pour prier afin que les cardinaux soient inspirés. C’est exactement ce que Benoît XVI nous a demandé avant de rejoindre Castel Gandolfo. Ces sites sont donc dans la droite ligne de l’Eglise et leur style amusant est fait pour attirer un jeune public. Un peu d’humour fait passer beaucoup de bonnes choses.
Enfin, dans les nombreux articles qui circulent, j’ai vu beaucoup d’informations édifiantes. Cela m’a permis de découvrir de belles personnalités de cardinaux dont on ne parle jamais. Je l’avoue : des personnalités comme Mgr Sarah, Tagle, O’Malley, Barbarin et plein d’autres donnent une très belle image de l’Eglise et me font l’aimer davantage.
Cédric
8 mars 2013 -
Je suis d’accord avec vous mais votre réflexion est une réflexion de « catho branché et bien formé ». Combien de nos concitoyens raillent ces initiatives mal comprises ? Il suffit de voir les articles de presse sur la question. Certes Benoit XVI nous demandait de prier pour les cardinaux, mais cela ne veut pas dire tout dire et tout faire. Mais de toute manière, je ne critique pas tant les initiatives que les intentions du coeur qui sont derrières. Si elles sont utilisées de manière juste, tant mieux. Si elle permette de railler encore un peu plus les chrétiens, posons-nous quelques questions.
Paul
8 mars 2013 -
Le billet que j’aurais voulu écrire (enfin, plus sur le côté « on reçoit notre Pape, on ne crée pas chacun son Pape » que sur la tirade sur le temps de l’Eglise et le temps des médias).
Merci.