Suppression de jours chrétiens fériés ? Une fausse bonne idée !
30 juin, 2012   //   Par :   //   a chaud, societe / culture   //   7 commentaires   //   6814 Vues

On va me dire – et je l’entends déjà – : « encore un prêtre qui veut défendre son pré carré!». D’ailleurs, certains chrétiens le disent eux-mêmes : ils ne seraient pas propriétaires du calendrier national ; nous sommes dans une République laïque.

Eh bien justement ! Nous sommes dans une République laïque et c’est à cette cohérence-là que j’en appelle ! C’est cette laïcité-là que je voudrai défendre aujourd’hui, et non pas de manière paradoxale aux dires de certains !

Quels problèmes pose cette fausse bonne idée ? Certes, on nous sert l’argument du respect des diverses religions … certes, les chrétiens sont aujourd’hui minoritaires dans la société française et la question est posée : de quel droit maintiendrait-on des fêtes religieuses pour une minorité de personnes qui pratiquent encore (c’est sûr qu’à l’Ascension, les cathos eux-mêmes sont plus enclin à faire le pont qu’à se préparer à la Pentecôte …) ? Certes, les chrétiens ne sont pas propriétaires d’un calendrier qui, aujourd’hui, va au-delà des seules croyances religieuses.

Oui … mais non … Et, permettez-moi de le dire sans détour : ceux qui s’arrêtent à ce genre d’argument ne veulent pas défendre l’homme tout simplement, et je les invite à y regarder de près …

Derrière ce débat des jours fériés, se posent en fait deux autres questions : qu’est-ce qui se cache derrière un jour férié ? Et, deuxième question : quelles conséquences quant à la liberté de l’homme ? Rien que ça !

Qu’est-ce qui se cache derrière un jour férié, au-delà du jour de congé individuel ?

Nos sociétés occidentales, nous le savons, deviennent de plus en plus individualistes. Or, un jour férié est aussi, et peut-être avant tout, un moment de communion nationale. C’est avant tout un peuple qui chôme ensemble, pour se retrouver en famille, entre amis, en nation. Prenons l’exemple du 14 juillet : est-ce que tout le monde est totalement d’accord avec ce qui s’est passé ce 14 juillet 1789 ? Est-ce que toute la société française approuve les événements ? Doit-on être totalement révolutionnaire pour fêter le 14 juillet ? Oh, je sais la question politiquement incorrecte. Mais il n’empêche : aujourd’hui, c’est toute une nation qui se retrouve dans un jour de commémoration nationale, au-delà des divergences et des sensibilités. Souvenez-vous les levées de boucliers quand Mme Eva JOLY avait proposé, l’an passé, de supprimer les défilés militaires !

Supprimer des jours fériés du calendrier pour les remplacer par des jours de congé que l’on prendrait quand on veut, c’est donner encore plus de place à cet individualisme croissant en laissant de côté ce qui est au fondement de la nature humaine : la société dans laquelle il vit !

La deuxième question est, à mon sens, plus grave : supprimer des jours fériés pour les remplacer par des jours de congé dont, dit-on, ils pourront être prévus pour les fêtes religieuses pose la question de la déclaration de notre foi. Ainsi les citoyens français seraient obligés de déclarer leur religion pour avoir tel jour de congé ou tel autre. La CNIL s’emballera sans doute face à un tel projet … Mais cela ne ferait-il pas naitre d’autres discriminations ?

Ainsi, votre administration de tutelle, dans la fonction publique, acceptera-t-elle que vous ne veniez pas travailler en invoquant des raisons religieuses ? Permettra-t-on à un professeur ou un instituteur de prendre congé pour une raison religieuse alors que sa classe, elle, dans un établissement public, devrait venir travailler ? Le chef d’entreprise qui serait d’une confession différente de celle de ses employés sera-t-il contraint de choisir un jour férié pour son entreprise en fonction d’une majorité qui le réclame ? Les personnes non croyantes, que feront-elles ?

Et, in fine, une personne qui aurait réussi à obtenir un jour de congé pour une raison religieuse sera-t-elle obligée d’aller au culte, à la messe, à la mosquée, à la synagogue, pour prouver sa bonne foi ou pourra-t-elle prier comme bon lui semble, au risque de se faire accuser de prise de congé pour simple convenance, sans moyen de preuve ? Je vois déjà les curés ressortir leurs preuves de communion tels qu’on les distribuait aux enfants sages et pratiquants il y a plus de 50 ans !

Oui, la question est capilotractée … mais dans notre nos sociétés bien pensantes et surtout procédurières comme jamais, nous ne serons pas trop prudents ! Regardez ce qui se passe à la Cour Européenne des Droits de L’homme, si vous avez besoin d’en être convaincu …

Cette association de DRH (cf. article ici) qui propose cette idée, sous couvert de tolérance et d’ouverture, a-t-elle bien mesuré les enjeux ? Et les responsables politiques et religieux qui prennent position ?

Derrière cette question se cache en fait la liberté de l’homme à pratiquer ou non une religion. Le droit de le dire de manière publique, ou non. Dans d’autres pays européens, la déclaration officielle de la religion pose des problèmes. N’ouvrirait-on pas les yeux ? Cette proposition risque d’empiéter tout simplement sur un droit fondamental de l’homme de pratiquer ou non une religion. Ne pas être obligé de dire que l’on s’est converti à une autre religion quand le cas se présentera nécessairement … Bref, être un homme libre de ses croyances et de ses pratiques religieuses.

Je serai surpris qu’un état laïque comme la France revienne sur un droit si fondamental : celui de croire ou de ne pas croire. Celui de pratiquer ou de ne pas pratiquer. Et surtout, dans ces choix-là, le droit ne pas avoir à avertir Pierre, Paul, ou Jacques … autrement dit, le droit de ne pas avoir à dire à son employeur, ou à ses employés, son chef d’administration, à ses voisins, son député, ou pourquoi pas plus haut encore, si on est juif, catho ou musulman, et que l’on veut fêter le Yom Kippour, l’Ascension, ou le Mawlid.

Quant à l’histoire de ces fêtes et leur origine dans notre calendrier, il faudrait être aveugle pour voir qu’elles font aujourd’hui un consensus de toute une nation et pas seulement des chrétiens. Les manuels d’histoire sont là pour le prouver. Je peux filer une bibliographie …

P. Cédric Burgun +

7 commentaires pour “Suppression de jours chrétiens fériés ? Une fausse bonne idée !”
  • Sophie
    30 juin 2012 -

    « supprimer des jours fériés pour les remplacer par des jours de congé dont, dit-on, ils pourront être prévus pour les fêtes religieuses pose la question de la déclaration de notre foi »
    J’avais cru comprendre que cet remue-ménage visait à augmenter le nombre de jours de congés en prévoyant que le salarié puisse avoir un « droit de tirage » sur un certain nombre de journées qu’il pourrait choisir sans que quiconque puisse y trouver quoi que ce soit à redire, et sans avoir à donner la moindre justification pour son choix de date. Et je trouvais que cela donnerait un joyeux bazar, puisque le DRH (ou un autre D) sera contraint de venir ouvrir les portes de l’entreprise le jour où le concierge sera de congé, devra prévoir qui répondra au téléphone le jour où la standardiste aura posé son jour pour convenance personnelle.

  • Lulu
    1 juillet 2012 -

    Quelle juste analyse mon Père.
    Je vais pouvoir me servir de tous ces arguments face à toutes les personnes que je côtoient et qui bien sur n’y voient que du bien….

  • Eric
    1 juillet 2012 -

    Si je vous suis, il faut « férier » toutes les fêtes religieuses de toutes les religions, pour préserver la liberté de pratiquer ou non, de manière anonyme, pour tous. Ce serait la seule condition pour avoir un vrai choix…
    La France travaille déjà peu.

  • paulau
    1 juillet 2012 -

    Accord total

  • reynaud
    2 juillet 2012 -

    merci cédric pour cette prise de position claire et bien argumentée. C’est plein de bon sens et de réalisme… A diffuser auprès de nos députés et surtout à cette assoc de DRH d’où cette idée semble être partie !

  • NWarnet
    7 juillet 2012 -

    Je trouve super ce texte il faut le transmettre aux maximum de personnes!!!!